About this ebook
Un jeune étudiant qui, en route pour l'université, est, bien malgré lui, plongé dans son futur. Il apprendra qu'il deviendra, un jour, père d'un enfant gravement malade. À la suite d'aventures parfois palpitantes, tantôt émouvantes et, à l'occasion, cocasses, il finira devant un choix capital… Choisira-t-il de mettre cet enfant au monde?
"J'ai adoré! Bravo!", Christine Michaud, TVA
"Un des très bons livres que j'ai lus dans ma vie.", Diane Losier, Radio-Canada Atlantique
"Je vous recommande fortement la lecture de ce roman. Si vous êtes amateur de Marc Levy, vous aimerez assurément le genre." Marie-Douce Rioux, CIMT-TV
"Un hymne à la vie, ce livre-là." Nancy Fortin, CFTF-TV
"Un magnifique roman à découvrir." Rythme FM
" Si tu savais... de Richard Plourde est donc un roman à lire de toute urgence ! Parce qu'il y a des petits bijoux comme celui-ci qu'il faut découvrir!"
Karine, Blogue Karine et ses Livres, France
" Grâce à des personnages attachants et touchants, Richard Plourde nous emporte totalement dans son récit de manière originale et captivante."
Malou, Blogue La bibliothèque Malounienne, France
«Une lecture qui nous suit, même le livre fermé.»
Leiloona, Blogue Bricabook, France
Richard Plourde
Richard Plourde lives in Edmundston, a lovely town nestled in a valley surrounded by mountains in New Brunswick (Canada). His first three novels were published in French and all have had a resounding success. Two of his books have been translated and published in English. « Back to You… - The astonishing fate of John Fisher » This unconventional love story chronicles a man's extraordinary journey to find the woman whose selfless act saved his life. The French version was a finalist for the "Prix France-Acadie" International Literary Prize. « The Koi and the Frog » A heartwarming love story between a fish and a frog that celebrates the beauty of differences and promotes self-acceptance. The French version was called one of the best Canadian children's book of the year by the reputable consumer guide magazine Protégez-vous. Richard is currently working on his fourth novel and is also writing the screenplay for his first novel.
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Book preview
Si tu savais... - Richard Plourde
Chapitre 1
Octobre 2002
Il y a de ces jours marquants où notre vie bascule complètement, où un malheur inattendu vient nous déchirer en milliers de petits morceaux inégaux et effilochés, après quoi, il nous laisse cruellement seul, à nous rapiécer du mieux que l’on peut. Le pire, c’est que la malédiction se fait un devoir de ne donner aucun indice. Comme un fauve, elle guette, en silence, attendant patiemment l’heure fatidique, et... BANG! elle attaque sans scrupule. Après le choc, il devient rapidement évident que notre existence ne sera plus jamais la même.
Le 15 octobre 2002, à 15 h 23, Richard et Jocelyne Plourde étaient assis nerveusement sur les deux chaises étroites qui venaient d’être promptement placées dans une salle de traitements transformée pour l’occasion en bureau de médecin. L’hématologue arriverait dans quelques minutes. Même si les infirmières tentaient de ne laisser transparaître aucune information, leurs regards inhabituellement évasifs laissaient supposer le pire. Leur fils Gabriel était en rémission d’une leucémie lymphoblastique aiguë depuis déjà quatre ans. Le choc du diagnostic initial avait été brutal. Il n’avait alors que vingt mois et avait dû subir cent huit semaines de traitements de chimiothérapie divers. Bien qu’ils aient cru alors qu’il s’agirait d’une éternité, tout cela était déjà révolu. Gabriel allait bien et, compte tenu du pronostic de guérison complète de plus de quatre-vingt-dix pour cent, tous ceux près de l’enfant s’entendaient pour dire, peut-être pour se convaincre, que ce cauchemar ne reviendrait jamais.
Pour les parents, toutefois, rien n’était aussi sûr. Quatre ans auparavant, leur fils semblait en parfaite santé. Un tout petit test sanguin de routine avant une chirurgie mineure pour une hernie congénitale avait dévoilé que, dans la moelle de ses jeunes os, des lymphoblastes se divisaient à un rythme effréné et occuperaient graduellement toute la place au point de le tuer, si rien n’était fait. Depuis, malgré la bonne forme apparente de Gabriel, chaque examen de contrôle réanimait leurs pires craintes. Jusqu’à ce jour, ces peurs s’étaient toujours avérées non fondées.
Cette fois, c’était différent. La formule sanguine différentielle − l’indice principal de l’état de santé de leur fils − était anormale depuis quatre semaines. Les paroles du docteur Pierre Servant, hématologue pédiatrique, prononcées il y a un mois, résonnaient constamment dans leurs pensées. Ce jour-là, après avoir esquissé un faible sourire inquiet, le médecin avait jeté sur eux un regard plein de compassion. Puis, hochant la tête en direction du garçon, il avait inspiré et laissé sortir d’un seul trait :
− Il semble en pleine forme, mais je dois dire que sa formule sanguine m’inquiète un tout petit peu.
Il n’en avait pas fallu plus pour replonger le couple dans un tourbillon émotionnel violent où les voix résonnent comme un écho lointain et où la réalité devient difforme. Richard et Jocelyne avaient l’impression d’être paralysés à l’intérieur d’un cauchemar, incapables de se réveiller.
Aujourd’hui serait le jour de vérité. La seule technique permettant de faire le diagnostic d’une rechute, la ponction de moelle osseuse, avait été exécutée plus tôt ce matin. Sous une légère sédation, on avait percé un trou dans l’os en bas du petit dos du garçon de six ans et retiré une petite quantité de moelle osseuse. Sur des lamelles de microscope, on avait déposé de fines gouttelettes dans lesquelles, comme une boule de cristal, on pouvait prédire l’avenir. Dans quelques longues secondes, Richard et Jocelyne sauraient si la satanée leucémie était revenue pourrir leur existence.
Nancy, une jeune infirmière dans la vingtaine aux yeux bleu vif, s’adressa nerveusement aux parents :
− Docteur Servant est à l’étage. Il m’a demandé de vous informer qu’il devait visiter un dernier patient et que dans au plus cinq minutes il sera avec vous. Il...
− Avez-vous reçu le rapport du laboratoire concernant les analyses des prélèvements de moelle? se pressa d’interrompe Richard, tenant avant tout à s’assurer que le médecin aurait le diagnostic en main à son arrivée et ainsi éviter que ce calvaire perdure.
− Non. Docteur Servant exige toujours d’observer les échantillons lui-même. Il arrive justement du laboratoire, il pourra certainement vous donner les résultats.
L’infirmière fit une courte pause afin de permettre aux parents de poser d’autres questions. Ils n’en avaient pas. Son visage était illuminé d’un sourire authentique. Richard se pencha vers son épouse et comme pour s’encourager mutuellement lui chuchota à l’oreille :
− Elle ne sait rien! Elle est anxieuse, comme nous. Personne n’a vu le rapport de laboratoire. Probablement que le personnel nous évite du regard simplement parce qu’il craint le pire, et non parce qu’il nous cache quelque chose. Peut-être, comme l’espère le pédiatre chez nous, s’agit-il vraiment d’un virus qui a attaqué temporairement sa moelle. Peut-être aurons-nous eu la pire frousse de notre vie!
Jocelyne laissa paraître un sourire. Alors que Richard parlait et bougeait continuellement dans ces moments-là, elle restait calme, parlait peu et gardait toujours espoir. Elle aimait quand Richard lui apportait des arguments positifs sur la santé de leur fils, cela la réconfortait ne serait-ce que quelques instants.
Jugeant le moment opportun, la jeune infirmière tourna son attention vers Gabriel, et, d’un ton de voix manifestement dirigé vers l’enfant, lui dit :
− Habituellement, c’est long, c’est ennuyeux et il n’y a rien à faire pour les enfants lorsque les parents rencontrent le médecin. Si tu veux, tu peux venir avec moi à la salle de jeu. Tes parents viendront te chercher aussitôt qu’ils auront terminé.
Gabriel, qui était assis patiemment sur un petit tabouret, bécotant fréquemment son lapin en peluche, jeta un regard suppliant en direction de ses parents. Il n’était pas sans ressentir que quelque chose de potentiellement grave approchait. Il aurait tant voulu rester auprès d’eux ou, mieux, s’enfuir sous les couvertures de son lit à trois cents kilomètres de là, serrant Lapin contre son cœur, fermer ses yeux très fort et s’évader dans des rêves de voyages à travers les planètes qu’il ferait lorsqu’il serait astronaute! Ses magnifiques yeux bruns se remplirent d’eau, et, malgré tous ses efforts pour retenir ses larmes, il se précipita dans les bras de son père en sanglots. Richard le serra doucement, attendit quelques secondes avant de parler. D’un doigt, il leva légèrement le menton de son fils, le regarda droit dans les yeux et lui dit avec un sourire réconfortant digne d’un Oscar :
− Écoute. Nous devons parler au médecin quelques minutes. Tu sais comme c’est tannant d’attendre quand les adultes parlent longtemps et que tu n’as rien à faire. Va avec Nancy dans la salle de jeu. Il y a deux ordinateurs, je suis sûr qu’il y a des jeux intéressants. Aussitôt que nous aurons terminé, nous irons te chercher et nous partirons pour la maison. Promis. D’accord?
Le garçon leva les yeux en direction de l’infirmière au sourire rassurant. Spontanément, comme si ses inquiétudes s’étaient envolées, il bondit du tabouret et se dirigea, d’un pas décidé, hors de la pièce en direction de la salle de jeu de l’unité d’hémato-oncologie pédiatrique du Centre hospitalier de l’Université Laval, à Québec.
Le docteur Servant entra dans la pièce, s’excusa pour son retard, l’attribuant à une journée plus chargée qu’à l’habitude. Il était mince, voire maigrelet. Sa barbiche, même si peu foncée, contrastait fortement avec son teint pâli par la surcharge de travail. Sa petite taille, sa physionomie de collégien, sa chemise d’Oxford et ses pantalons bien agencés lui conféraient une allure beaucoup plus d’étudiant en résidence que de médecin spécialiste. Toutefois, il avait l’air de ces gens particulièrement intelligents qui ont une capacité d’analyse et de synthèse exceptionnelle. De plus, son attitude pleine d’assurance et son sourire sincère inspiraient confiance. C’était un homme brillant, sage et sensible, auquel on se fie d’emblée pour les choses de la tête.
Il penchait démesurément d’un côté afin de contrebalancer le poids de deux énormes dossiers qu’il portait laborieusement sous son bras gauche. Trois infirmières apparurent soudainement dans l’ouverture de la porte et s’approchèrent lentement de lui, en quête de directives pour leurs patients respectifs. Il les écouta patiemment, se fermant les yeux afin de mieux se concentrer et de se reposer un peu du même coup. Il dicta à chacune ses consignes et ferma doucement la porte derrière lui, s’assurant ainsi de ne plus être dérangé. Toute l’équipe de l’aile d’hémato-oncologie prenait grand soin du bon docteur Servant, le seul hématologue pédiatrique en fonction dans cette unité qui en aurait nécessité au moins trois. La direction cherchait désespérément à en recruter un autre, alors que le collègue du docteur Servant était en arrêt de travail pour une période indéterminée pour cause d’épuisement.
Il ne restait donc que le docteur Pierre Servant, qui assumait sa vocation humanitaire surchargée sans protester. Le personnel faisait donc des pieds et des mains pour épargner le pauvre médecin et ne le consultait qu’en cas d’urgence. Tous savaient qu’il ne quittait jamais l’hôpital avant que tous les cas soient réglés, ce qui arrivait rarement avant 20 heures.
Fidèle à lui-même, le médecin ne perdit pas de temps.
− Gabriel a l’air vraiment en forme, sa moelle, par contre, l’est moins. La leucémie est revenue. Dans tous les cas de rechutes, nous recommandons de procéder à une greffe de moelle osseuse, qui habituellement se pratique à l’Hôpital Sainte-Justine de Montréal. Étant donné qu’il a été en rémission pendant quatre ans, qu’il est en forme, qu’il n’a pas eu trop d’exposition à la chimiothérapie et donc que ses organes n’ont probablement pas été trop endommagés, il a un peu plus d’une chance sur deux de s’en sortir. Ce qui, j’avoue, est beaucoup moins qu’il y a quatre ans, mais qui est quand même bien.
Il se tut, laissant aux pauvres parents le temps d’assimiler le coup. Richard et Jocelyne étaient immobiles, silencieux, sans trop d’expressions. Ils s’y attendaient un peu. Puisque l’hématologue pédiatrique le plus près de leur résidence se trouvait à Québec, ils avaient dû entreprendre le voyage de 300 kilomètres à partir d’Edmundston au Nouveau-Brunswick. Ils avaient eu amplement de temps pour imaginer le pire et se rendre à l’évidence : s’il s’agissait d’un virus, comme soupçonné au début, la formule sanguine aurait montré des signes de vigueur bien avant. Comme tout parent, ils s’étaient tout de même permis d’espérer de bonnes nouvelles, et même carrément un miracle. Mais la réalité était tout autre. Malgré leur calme, malgré le fait qu’ils s’en doutaient, le coup était des milliards de fois plus dur à encaisser qu’il y a quatre ans. Toussotant afin de desserrer un peu sa gorge étranglée par cette apocalypse, Richard parla en premier. Il s’adressait à un homme pour qui il avait la plus grande admiration, en qui il avait la plus grande confiance et avec qui, durant les quatre dernières années, il était devenu ami.
− Pierre, avec tout le respect que j’ai pour toi et ma confiance en tes compétences, je me dois de te demander : es-tu certain du diagnostic? Est-ce qu’il y a des chances que tu te trompes?
− Malheureusement non! D’ailleurs, un ami hématologue à la retraite, en visite au laboratoire, est venu me voir alors que j’étais au microscope. D’un geste de la main, il m’a fait signe de le laisser regarder. Il a tristement confirmé la rechute de Gabriel.
Cette fois, c’est Jocelyne qui l’interpella d’une voix étranglée :
− Qu’est-ce qu’on fait maintenant?
La question fit sursauter le père et le médecin. Le ton direct tranchait, dans cette discussion au décorum usuel.
− Gabriel doit être en rémission avant de procéder à la greffe, expliqua le médecin. Je vais téléphoner au chirurgien afin de prévoir une date pour installer son port-a-cath. Nous pourrons entreprendre le traitement d’induction dans les prochains jours, ici, à Québec. En même temps, je vais faire parvenir une référence au docteur Michel Bordeaux, directeur de l’unité de greffe à Sainte-Justine.
− Est-ce qu’il y a urgence d’intervenir? interrompit le père. Il nous faut un peu de temps pour assimiler tout ce qui vient de se passer et nous préparer émotionnellement pour les traitements à venir. Il faudra l’annoncer à nos parents et à Ga... Mon Dieu, comment lui apprendre ça?
Les larmes ruisselant déjà abondamment sur ses joues et celles de sa femme, Richard conclut :
− Nous aurons surtout besoin de pleurer...
Jocelyne et Richard étaient brisés, défaits. Ils auraient tellement eu le goût de crouler dans les bras l’un de l’autre, de pleurer bruyamment en hochant violemment les épaules et en criant leur peine à pleins poumons. Mais ils savaient qu’ils ne le pouvaient pas. À quelques mètres de là, leur fils, leur soleil, leur petit homme, leur ange Gabriel ne savait rien. S’il devait survivre à ce damné de cancer, il fallait qu’à travers les yeux de ses parents il voie la certitude qu’il allait s’en sortir. Il fallait donc que le couple y croie aussi. Rien n’était aussi sûr. Il fallait qu’ils restent forts... pour lui.
Le docteur Servant avait considérablement d’admiration pour ce couple qu’il avait appris à connaître, respecter et aimer avec les années. Il s’agissait de gens authentiques, de bons parents très soucieux du bien-être de leurs enfants. Il pouvait comprendre leur besoin de se ressourcer avant le début des traitements.
− Non, il n’y a pas d’urgence, nous pouvons attendre à lundi, dans une semaine et demie. D’ailleurs, je crois qu’il sera bénéfique pour lui et pour vous de prendre un peu de recul, d’être avec vos proches et de bien vous préparer.
La conversation se poursuivit durant quelques minutes. Le médecin expliqua en détail les traitements à venir et les nombreuses complications potentielles, dont certaines fatales ou, pire encore, sévèrement débilitantes. Les parents écoutaient sans toujours entendre. Ils savaient que plus tard, ensemble, ils pourraient donner un sens aux petits bouts d’information que chacun saisissait confusément.
Une fois toutes les particularités de leur retour à l’hôpital révisées, ils s’étaient dirigés vers la salle, au bout du corridor, où leur fils les attendait. Richard échangea un bref regard perturbé avec son épouse; elle avait tout de suite compris : comment annoncer à Gabriel que sa leucémie était revenue? Comment lui expliquer qu’il devrait recommencer des traitements qui le rendraient malade, qui le feraient vomir parfois une douzaine de fois par jour, qui lui feraient perdre ses beaux cheveux fins et soyeux et qui viendraient encore une fois lui arracher des morceaux de son enfance éphémère? Comment lui dire qu’on lui percerait le corps des centaines de fois et qu’on l’obligerait à avaler des produits chimiques amers et dégueulasses? Comment lui dire que, s’il refusait, ses propres parents le conduiraient de force à cette torture et que, si nécessaire, ils le retiendraient fermement alors qu’on le perforerait et l’empoisonnerait? Comment lui dire que, le cœur brisé et l’âme lacérée, ils seraient déchirés entre le protéger de ce calvaire et lui sauver la vie? Pire encore, auraient-ils un jour à lui parler de la mort?
Il était au fond de la salle de jeu, assis devant un ordinateur qui semblait trop gros pour lui, sa tête penchée vers l’arrière pour voir l’écran; ses petits doigts, sur le clavier, actionnaient quelques touches rapidement. Le chiffre huit entouré d’étoiles, au haut de l’écran, indiquait qu’il avait atteint le huitième niveau d’un jeu qu’il expérimentait pour la première fois. Il avait une facilité pour les jeux d’ordinateur, auxquels il s’adonnait depuis l’âge de deux ans. Il jeta un regard rapide en direction de l’entrée et aperçut ses parents.
− Venez voir! C’est un jeu de grenouille. Il faut manger tous les fruits et les libellules sans se faire attraper par les fantômes. Je suis au niveau huit.
Sans plus de cérémonie, il continua son jeu, les libellules essayaient vigoureusement, mais futilement de s’enfuir alors que la grenouille les gobait. Les fantômes, pour leur part, tentaient tant bien que mal de terrifier l’amphibien qu’ils ne réussissaient même pas à approcher. Richard et Jocelyne admiraient leur fils. Il était intelligent, poli et soucieux des autres. Il était beau, avec ses cheveux bruns courts toujours un peu dépeignés; ses petites lunettes hexagonales colorées, qui accentuaient ses perles foncées, et son sourire gêné lui conféraient un charme peu commun.
− Lorsque tu auras terminé, nous retournerons à la maison, annonça son père.
Il n’en fallut pas plus pour que l’enfant abandonne abruptement le jeu, laissant les fantômes − qui, on aurait dit, semblaient soulagés − faucher les deux dernières vies de la grenouille. Une fenêtre apparut sur l’écran, annonçant qu’il s’agissait d’un pointage record et invitant le joueur à y inscrire son nom. Gabriel l’ignora et bondit hors de sa chaise.
− Réalises-tu que, de tous les enfants qui ont joué à ce jeu, et il y en a beaucoup, tu as réussi le meilleur score, et ce, à ta première tentative?
Richard était visiblement fier. Gabriel, pour sa part, se demandait ce qu’il pouvait bien y avoir de difficile dans un jeu où le déplacement des fantômes était à ce point prévisible.
− Tu n’inscris pas ton nom? s’exclama le père, comme s’il s’agissait d’une bévue presque impardonnable.
− Non, répondit simplement Gabriel, qui ne comprenait pas pourquoi son père accordait autant d’importance à ce détail.
Richard, debout devant le clavier, tapa les trois lettres permises « GAB » et cliqua sur la case « OK ». Il était drôlement impressionné. Le nom de son fils trônait au sommet de la liste! Pendant quelques minuscules secondes, la maladie avait pris le second plan. Toutefois, en se retournant, un coup d’œil dans la salle de jeu lui suffit pour réaliser que le mal était toujours omniprésent. Même les enfants, ces êtres innocents exhalant l’énergie de la vie, rayonnant l’espoir de la génération à venir, pouvaient être malades, très malades, fatalement malades. Assise à une table, devant un casse-tête, une fillette d’environ douze ans − teint gris, paupières cernées, yeux ternes, tête chauve − lança un faible sourire à la fois maternel et admirateur en direction du garçon. Au-dessus d’elle, perchés comme des vautours, quatre sacs de liquides colorés étaient reliés par des tubulures à une pompe qui lentement, une goutte à la fois, lui injectait le poison qui lui sauverait peut-être la vie.
Le retour à la maison s’était déroulé surtout dans le silence. Sur la banquette arrière, épuisé de sa journée éprouvante, Gabriel s’était rapidement endormi. Les parents étaient encore assommés par les événements; regardant fixement vers l’avant, ils n’osaient pas parler, de peur que leur fils ne soit pas complètement endormi et qu’il entende. Quelques fois, ils osaient jeter un regard vers l’autre, mais les larmes venaient rapidement obstruer leur vue alors que de nombreuses interrogations surgissaient dans leurs pensées à un rythme hallucinant. « Comment allons-nous lui annoncer? Si nous n’avons pas pu vaincre le cancer avec un traitement qui offrait 95 % de chance de guérison, comment réussir avec seulement 50 %? Une chance sur deux! C’est comme tirer pile ou face. Face : tu vis; pile : tu meurs! » Ils étaient tous deux terrifiés.
Comme bien des jeunes couples qui fondent une famille, les Plourde avaient souhaité que jamais la maladie ne vienne s’immiscer dans leur vie. Bien sûr, lors des grossesses, ils avaient eu ces inquiétudes qui guettent tous les nouveaux parents, certaines sérieuses − mon enfant sera-t-il en santé? sera-t-il infirme? − d’autres, plus insignifiantes : sera-t-il beau? sera-t-il un garçon ou une fille? Ces soucis s’étaient rapidement dissipés à la naissance, chaque fois, d’un splendide bébé témoignant de sa santé à plein poumon.
Peut-être que l’euphorie de la naissance leur prodiguait l’illusion que les maladies infantiles n’atteignaient que de rares familles anonymes que l’on ne voit qu’à la télévision lors des téléthons. Peut-être qu’une fois que l’on aime plus que l’on n’aurait jamais cru être capable d’aimer, ils n’osaient pas même imaginer que leur enfant pourrait devenir sérieusement malade. Peu importe la raison véritable, jamais ils n’auraient cru qu’un tel châtiment puisse leur tomber dessus.
L’acceptation de la première leucémie de leur fils avait été longue et ardue, l’épreuve, terriblement difficile. Puis, très insidieusement, quelque chose d’étrange s’était produit. Même s’ils auraient dû savoir mieux, ils étaient tout doucement devenus convaincus que Gabriel serait parmi les enfants guéris par les traitements, que les rechutes et la mortalité, ça n’arriverait qu’aux autres!
Toutefois, dans l’obscurité des nuits hâtives d’automne, dans la solitude du silence, même si tous les panneaux routiers portaient le nom d’un saint, ils sentaient, comme le Christ deux mille ans auparavant, que Dieu les avait abandonnés. L’espoir qui les avait soutenus pendant quatre années s’était évanoui. Puisque le Père, le Tout-Puissant, avait laissé son propre Fils mourir, cloué à une croix, comment pouvaient-ils compter sur Lui pour sauver le leur?
Chapitre 2
Novembre 2002
Les couleurs vibrantes d’automne n’étaient qu’un souvenir lointain. La Vallée du Haut-Saint-Jean était peinte en tons de gris et de maussade. Le ciel était lourd et sombre et les gazons, ternes, s’étouffaient lentement. Il fallait une conviction ardente pour croire que la nature réussirait à défier la mort et à survivre à l’hiver.
Après un mois passé au Centre hospitalier de l’Université Laval, à Québec, pour y subir de durs traitements de chimiothérapies diverses, recevoir d’innombrables injections et endurer des nausées insupportables, Gabriel, qui était de retour chez lui, désirait rendre visite à ses compagnons de classe. C’était sa décision. Il voulait y retourner une dernière fois. Le docteur Servant avait donné son aval, sachant que les parents sauraient prendre les précautions nécessaires. Gabriel était conscient qu’il raterait son année scolaire. Sa neutropénie exigeait qu’il évite les lieux publics, souvent bondés de microbes. De toute façon, il n’en aurait pas eu l’énergie.
La maladie de Gabriel avait fortement perturbé les élèves de l’école élémentaire Notre-Dame, et en particulier ceux de la classe 1A, soit celle de madame Florence. La plupart des écoliers avaient été foudroyés par la nouvelle. D’une part parce que leur ami était sérieusement malade, mais d’autre part parce qu’ils réalisaient pour la première fois de leur courte existence qu’aucun n’était à l’abri d’un tel malheur.
Les enseignants avaient répondu tant bien que mal aux questions des enfants. Ils avaient tenté, malgré leur inexpérience dans ce domaine, de les rassurer, en leur disant que ces maladies étaient rares et qu’elles n’étaient pas contagieuses. Toutefois, devant tous ces inquisiteurs sautillants sur place, les petits doigts pointés droit vers le plafond, la discussion s’était poursuivie très longtemps. Et pour les semaines qui avaient suivi, il ne s’était jamais passé une journée sans qu’un enfant aborde, d’une façon ou d’une autre, ce sujet omniprésent qui les habitait.
En sortant de l’automobile, Gabriel s’assura que sa casquette cachait bien son crâne chauve. Serrant fortement la main de son père, il jeta un coup d’œil larmoyant dans sa direction et se dirigea d’un pas à la fois timide et résolu vers les portes d’entrée de son école.
À part l’enseignante, personne ne se doutait de sa visite. Il pénétra dans le hall d’entrée. L’amalgame d’odeurs familières de caoutchouc d’espadrilles, de planchers fraîchement lavés, de repas mijotant à la cafétéria éleva aussitôt d’un cran la nostalgie qu’il éprouvait. Richard, derrière lui, admirait le courage de son fils et tentait, tant bien que mal, de chasser la douleur qui venait soudainement de lui transpercer la gorge.
Une série de menus manteaux, suspendus à des crochets fixés à un mètre du sol, bordaient un long corridor où de minuscules souliers tapissaient le bas du mur. Gabriel se rendit à une porte sur laquelle une petite affiche joliment décorée de bricolages de fleurs et papillons colorés portait la mention « 1A ». Il leva la tête et porta sur son père un regard agrémenté d’un faible sourire tout en clignant des yeux pour éliminer l’excès de larmes. Richard avait compris. Il posa sa main sur son épaule et lui dit d’un ton rassurant :
− Ça va bien aller.
Ils furent surpris tous les deux lorsque la porte s’ouvrit soudainement. L’enseignante, qui quittait la classe en donnant quelques directives aux élèves, ne regardait pas dans leur direction. Elle se tut lorsqu’elle constata que tous les élèves, sans exception, étaient figés, le regard médusé en direction de quelque chose derrière elle. Le silence fut rompu par un chahut fulgurant.
− Gabriel! Madame! Madame! c’est Gabriel! entonna la classe à l’unisson.
Spontanément, vingt-deux élèves se précipitèrent vers leur ami, qui, devenu légende, était miraculeusement revenu au bercail. La scène était d’une candeur exceptionnelle. Pleins de tendresse, les enfants observèrent et admirèrent d’abord leur ami. Se bousculant légèrement, chacun tentait de se tailler une place à ses côtés. Et comme si une barrière invisible et infranchissable protégeait le garçon, tous s’immobilisèrent à quelques centimètres autour de lui. Pendant quelques secondes, personne n’osa franchir ce mur invisible. Un gouffre les séparait. Lui dans un univers d’incertitude, de maladie et de douleur et eux en sécurité dans leur monde protégé. Oseraient-ils traverser? Risqueraient-ils d’être eux-mêmes contaminés par cette mystérieuse et macabre leucémie?
Alors que le silence devenait insoutenable, une petite main décidée se faufila tout doucement entre les enfants. Les écoliers se scrutèrent, tentant de comprendre qui osait faire ce premier pas audacieux. Puisqu’on ne pouvait pas voir à quel bras cette main était rattachée, on aurait cru qu’elle avançait divinement, seule, sans corps. Sans hésiter, de minuscules doigts angéliques, le plus délicatement